Auteur: Susanna Köberle
L’ère de la numérisation a donné naissance à de nouveaux concepts d’habitat et de modes de vie. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un changement de paradigme global comparable à celui qui est intervenu au début de l’industrialisation.

Le logement n’est pas seulement le reflet du goût de ses occupants, mais aussi celui des changements qui traversent la société. La définition même de ce terme est en constante évolution. Avoir un toit demeure cependant un besoin primaire de l’être humain. Or, actuellement, nous sommes confrontés à un changement radical de paradigme, «qui, dans sa dimension et sa portée, est comparable au passage à l’habitat de l’ère industrielle», comme l’affirme l’étude Microliving (l’habitat compact) publiée par l’Institut Gottlieb Duttweiler. L’avènement de la numérisation a charrié dans son sillon de nouvelles formes d’habitat et de nouveaux modes de vie. La diversité dans ce domaine est déjà impressionnante, mais plusieurs tendances se dessinent actuellement qui laissent présager de l’avenir de l’habitat.

Celles-ci concernent principalement l’habitat urbain comme, selon toutes prévisions, 66% de la population mondiale vivra en ville d’ici 2050. Après des années de croissance, la surface habitable par personne est en régression face à cette densification urbaine. Cela n’est pas nécessairement synonyme d’une qualité de vie moindre. En effet, l’espace public gagne en popularité: les activités qui, autrefois, se déroulaient à l’intérieur se pratiquent aujourd’hui à l’extérieur. Les espaces partagés ou le voisinage étendu font désormais partie de notre habitat, ce qui contribue également à une redéfinition de l’espace urbain. Cette tendance est d’autant plus significative que le foyer unipersonnel demeure encore le mode de vie le plus courant en Suisse (plus de 35% des ménages). Toutefois, cette forme d’habitat a, elle aussi, évolué. Contrairement au passé, vivre seul(e) est aujourd’hui une tendance qui traverse l’ensemble de la société et qui n’est plus mal perçue. Au contraire, vivre solo est synonyme de liberté et d’individualité.
Ceux et celles qui vivent seul(e)s n’ont pas nécessairement tous ou toutes les mêmes besoins. La tendance à l’individualisation et à la flexibilisation transformera également l’avenir de l’habitat. Les modèles classiques tels que le foyer familial traditionnel sont en recul et les formes d’habitat tendent à se diversifier de plus en plus. Des formes nouvelles d’habitat collectif et/ou mobile font leur apparition, et notamment des modèles aussi variés que le foyer multigénérationnel, la communauté d’intérêts, l’appartement réservé à une certaine tranche de vie ou encore le foyer à famille recomposée. Cependant, ces formes de vie en communauté n’excluent pas l’intimité.
L’évolution de nos exigences en matière de logement modifie également notre perception de l’espace, ce qui influe sur notre espace habitable tel qu’il est, et, par conséquent sur la manière dont nous le meublons et l’aménageons. Les meubles ne sont plus seulement des objets de design, mais des éléments flexibles et multifonctionnels destinés à créer et aménager différentes zones: l’espace habitable doit être modifiable.
Une autre tendance marquante est la numérisation croissante de l’habitat. Il est déjà aujourd’hui question d’«habitat intelligent». Dans le futur, la technologie moderne contribuera de plus en plus à personnaliser l’expérience des résidents de logement. La question de la sécurité y jouera également un rôle-clé, surtout lorsqu’il s’agira de loger les seniors. En effet, la «maison intelligente» permet aux personnes âgées de vivre seules tout en restant autonomes jusqu’à un âge avancé. D’autres tranches d’âge pourront également bénéficier des nouvelles possibilités qui s’offrent à elles pour améliorer leur confort de vie. Il existe déjà nombre d’appareils qui, dans nos intérieurs, nous servent d’assistants personnels, voire de véhicules de réalité virtuelle. Ils sont, par exemple, utilisés pour mettre à disposition des locaux d’habitation.

La numérisation contribue également à relativiser l’importance de l’adresse à laquelle nous habitons. Désormais, la qualité du logement se définira principalement par celle de son «logiciel», sorte de vie intérieure numérique qui n’est plus reconnaissable de l’extérieur. L’apparition de marques résidentielles qui promettent à leurs résidents un certain style de vie est également liée à ce phénomène. Elles offrent un potentiel d’identification supplémentaire, tel que celui que proposent déjà certaines chaînes d’hôtels.
Mais l’habitat ne se résume pas à une simple question de lifestyle. La satisfaction des besoins fondamentaux sera une préoccupation centrale de l’habitat du futur. Il intégrera des notions telles que la santé, la durabilité et l’écologie des bâtiments. En effet, ceux-ci consomment déjà un tiers de l’énergie produite au total. Rendre notre logement et notre environnement dignes d’être habités dans l’avenir demeure un défi majeur.
Principale source: « Micro-living » – le logement urbain du 21e siècle. » Étude réalisée par Stefan Breit et Detlef Gürtler et publiée par le GDI (Gottlieb Duttweiler Institute)